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Photo du rédacteurJulie PIERRE I CPI

Une histoire de jambon corse, d’AOP et d’IGP…



L’affaire a pour origine trois produits corses : « Jambon sec de Corse », « Lonzo de Corse » et « Coppa de Corse » qui ont été enregistrés comme AOP (Appellations d’Origine Protégée) en 2014, garantissant une origine stricte (la viande utilisée vient exclusivement de porcs de race « nustrale », lesquels vivent de manière semi-sauvage dans les montagnes corses) et un prix élevé.

En 2015, un groupement de charcutiers corses ont demandé à enregistrer sept nouvelles dénominations en tant qu'IGP (Indication Géographique Protégée), dont « Jambon sec de l’Île de Beauté », « Lonzo de l’Île de Beauté » et « Coppa de l’Île de Beauté ». Ces produits, bien que liés au savoir-faire corse, utilisent de la viande non spécifique et sont vendus à moindre coût.

 

En premier lieu, le syndicat des AOP corses s’est opposé à l’enregistrement de ces IGP, arguant qu’elles créaient une confusion avec les AOP existantes. Cependant, le Conseil d’État français a rejeté les recours du syndicat, estimant que les AOP et les IGP étaient suffisamment distinctes et que les produits sont de qualité différente et s’adressent donc à un public différent.

 

Mais, en octobre 2021, la Commission européenne refuse d’enregistrer les nouvelles IGP, arguant que les dénominations concernées évoquaient les AOP existantes, ce qui contrevient à l’article 13 du règlement UE n° 1151/2012.

 

Les charcutiers corses saisissent alors le Tribunal de l’Union Européenne, qui rejette en 2023 leur recours. Ils s’adressent donc à la Cour de Justice de l’Union Européenne qui vient de rendre son arrêt.

 

Les deux décisions du TUE et de la CJUE sont riches en enseignements :

 

-              la Commission dispose d'un pouvoir autonome d'appréciation lors de l'examen des demandes d'enregistrement d'IGP, sans être liée par les appréciations des autorités nationales. Son examen vise à s'assurer du respect des conditions d'enregistrement prévues par le règlement européen.

 

-              La CJUE valide l'approche de la Commission qui, avant d'enregistrer une dénomination en tant qu'IGP, doit vérifier qu'elle ne porte pas atteinte à la protection d'une AOP déjà enregistrée, notamment en évitant tout risque d'évocation.

 

-              Les AOP et IGP enregistrées bénéficient d'une protection contre la simple "évocation", c'est-à-dire lorsqu'une dénomination amène le consommateur à avoir à l'esprit la marchandise bénéficiant de l'appellation protégée. Un lien suffisamment direct et univoque entre les dénominations, même conceptuel, peut constituer une évocation.

 

En bref, les qu'IGP  « Jambon sec de l’Île de Beauté », « Lonzo de l’Île de Beauté » et « Coppa de l’Île de Beauté » évoquent les AOP « Jambon sec de Corse », « Lonzo de Corse » et « Coppa de Corse » et sont donc refusées.


Ce qu’il faut retenir : Le pouvoir de contrôle européen prime ainsi sur les décisions locales pour garantir une application uniforme des règles de protection des indications géographiques dans l’Union.
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